Saturday, October 20, 2007

Les Bardon, frères d'harmonie



LEXPRESS.fr du 25/01/2007

Les Bardon

Frères d'harmonie

पर

Antoine Gazeau

Cest l'histoire d'une fratrie devenue orchestre de renom. Un destin qui s'écrit sur partitions, l'aventure d'une famille dont tous les membres vivants ont longuement étudié la musique. C'est la chronique, unique en France, de cinq premiers prix du Conservatoire national supérieur de musique qui portent le même nom. C'est l'histoire des Bardon.

Elle se raconte sur les murs d'une bâtisse centenaire de Damvix, dans le Marais poitevin. «Mon grand-père maternel l'a construite de ses mains», explique Claude Bardon, actuel directeur de l'Orchestre de Vendée. Dans le séjour ou sur les cloisons des deux immenses cuisines, les cadres, diplômes et posters évoquent une même passion héréditaire. «On dit que la France n'est pas musicienne, regrette au passage l'ancien premier violon de l'Orchestre de Paris, mais on y trouve le plus grand nombre de familles de musiciens.» La sienne est exemplaire: au violon, Eugène (décédé à 64 ans, en 1993), Claude (64 ans) et Paul (67 ans); au piano et au chant, Régine (75 ans); au violoncelle, Charles (73 ans); à la flûte et à l'orgue, Pierre (72 ans); à la clarinette, Etienne (63 ans); et enfin, au violoncelle, Marcel (60 ans). Huit frères et sœurs, huit artistes reconnus nationalement, voire internationalement (Marcel encadre des master classes en Corée du Sud), dont un seul a choisi de ne pas vivre de son talent.

«L'orchestre ne jouait que six mois sur douze»

«Dieu nous a bénis», en déduit Claude. Il s'était déjà penché sur ses aïeux. Parce qu'Elie Bardon (1876-1960), le grand-père, anime déjà les bals du samedi soir, à Fontenay-le-Comte, au début du siècle. Le Damvitais est accordéoniste le week-end, linotypiste au Petit Courrier d'Angers pendant la semaine. «Ses mains étaient immenses. Il était le seul à pouvoir couvrir tout le clavier, il aurait pu être un grand pianiste.» Tous ses descendants le «vengeront». A commencer par son fils, Charles, jeune typographe qui se découvre un don pour le violon à 16 ans et demi, en 1919. Il obtiendra son premier prix en trois ans, épousera en 1927 Régine Guénon, fille de cultivateurs damvitais, et deviendra violon solo de l'Orchestre des concerts populaires d'Angers pendant plus de trente ans! Un solo très entouré: huit enfants accompagnent le couple.

S'ils passent toutes leurs vacances au cœur du Marais poitevin, dans la ferme familiale, les petits Bardon vivent leur enfance dans la cité du Roi René. Dans des conditions parfois difficiles - «L'orchestre ne jouait que six mois sur douze…» - mais déjà sur fond de Bach ou de Schumann. «Mon père ne nous a pas poussés à devenir musiciens, nuance Claude. Son seul discours était: “Si vous le décidez, soyez les plus forts.”» Le chanoine Poirier, directeur de la maîtrise de la cathédrale d'Angers, que les quatre plus jeunes côtoient, les y encourage.

Il leur soumet même l'idée, quelques années plus tard, de former un orchestre familial. Il est vrai qu'avec des conjoints tels que le trompettiste Aldo Zanotti (l'époux de Régine) la formation a de l'allure. Et puis, donner des spectacles permettrait de restaurer la vieille ferme de Damvix, où les répétitions seraient bienvenues. Vendu! L'Association des concerts de la famille Bardon est créée en 1969, réunissant Charles, ses enfants, brus et gendre. Un quintette de Mozart, les Quatre Saisons de Vivaldi... Quelques disques et plus de 200 concerts suivront, en Vendée pour la plupart. Avec succès toujours. «Mais, depuis une dizaine d'années et le décès d'Eugène, on ne joue plus», précise Claude, qui vit toujours à Damvix, comme son frère Marcel.

Qu'importe, l'histoire se poursuit. Les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de Charles et de Régine, qui se déplacent rarement sans instrument, continuent de se réunir à Damvix. En témoignent les chambres, dortoirs pour petits et clichés accrochés aux murs du «Paradis», l'autre nom de la maison-musée familiale. Ils sont aujourd'hui plus de cent. Pas tous professionnels, «mais la plupart ont poussé leurs études assez loin pour se faire plaisir, sourit Claude. Et ils ont quelques dispositions...» Bon sang ne saurait mentir